Carmen la Luciole sur le terrain

Chez La Balade des Lucioles, on dénombre pas moins de 200 bénévoles aux personnalités et aux parcours bien différents. Aujourd’hui on vous fait rencontrer Carmen, petit bout de femme exceptionnelle.

Carmen œuvre au sein de l’association depuis octobre 2021. C’est elle qui mène la danse, le mardi, ou devrait-on dire le Ballet (qui a la réf ?) sur le parcours Olympiades qui relie le secteur National à la porte d’Italie. Carmen c’est tout un poème ! Elle est de ces personnes qui fédèrent avec toute l’humilité et l’humanité qui la caractérisent. Elle s’est prêtée au jeu de l’interview afin de nous en dévoiler un peu plus sur son rôle au sein de l’association.

Sa particularité réside dans le fait qu’elle prépare chaque mardi une soupe de légumes maison en plus des sandwichs confectionnés à l’aide des invendus de boulangeries et d’épiceries.

Il suffit de suivre une maraude avec Carmen pour comprendre à quel point elle a su créer, en toute simplicité, un contact humain, un véritable lien avec les bénéficiaires du parcours.

 

Merci pour votre visionnage. Si vous avez envie de participer à nos maraudes ou d’en savoir plus, c’est par là !

 

Transcription complète de l’interview de Carmen

 

 

Cécilia – Bonjour Carmen. Peux-tu nous dire ce que représente pour toi La Balade des Lucioles ?

Carmen – La Balade des Lucioles c’est une association qui vient en aide aux sans abri, leur apporter des vêtements, de la nourriture et surtout un peu de chaleur humaine.

On a vécu une période un peu compliquée avec le Covid, les restrictions sanitaires. J’avais besoin de trouver un sens, comme un nouveau souffle. Et sur un site de sorties qui s’appelle OVS ça faisait très longtemps que je voyais « balade sympa, maraudes dans Paris ». Je me suis inscrite une première fois, s’en est suivi une deuxième, puis une troisième maraude, une quatrième, une cinquième… Et puis deux ans et demi plus tard, ben il est pas question d’arrêter ça.

 

Cécilia – Quelle est ta place, ton rôle au sein de l’association ?

Carmen – Je suis responsable de l’équipe du mardi. Je dois veiller à la bonne préparation de la maraude. En amont il y a la récupération des invendus de nos différents partenaires. Ça va de la boulangerie au magasin bio. Chacun arrive avec ce qu’il a récolter puis on commence la préparation. Il va y avoir aussi des vêtements qui nous sont apportés par les bénévoles. Ceux qui sont prévus que pour la maraude viennent aux alentour de 20h. De manière générale tout le monde sait ce qu’il a à faire. C’est un travail d’équipe. On est plusieurs à être parfaitement au fait de ce qu’il y a à effectuer. Voilà après il y a plus qu’a.

 

Cécilia – Quelles sont les spécificités de ton parcours ?

Carmen – Le parcours Olympiades démarre de la rue Richet. On va déjà aller jusqu’au métro Olympiades, et à partir de là on va aller sous la dalle. C’est un endroit un peu particulier, je dirais pas interlope mais bon c’est un peu curieux. Ce sont deux rues souterraines parisiennes qui se trouvent sous les grands immeubles. On ressort, puis on prend la rue Tolbiac, et de là on gagne l’avenue d’Italie, jusqu’à la Place d’Italie. On redescend de l’autre côté et on va jusqu’à la porte d’Italie.

Ce parcours est différent des deux autres (Denfert et Gare de Lyon) car il se caractérise par la mobilité des bénéficiaires que l’on rencontre. Et ce parcours va nous prendre à peu près 1h30 environ, j’ai pas trop calculé le temps. On marche pas mal. Ça fait un joli parcours de marche parce qu’on va de bénéficiaire en bénéficiaire, ben forcement on va à leur rencontre et quelque fois c’est eux qui viennent à la notre.

 

Cécilia – Y a-t-il des bénéficiaires récurrents que tu arrives à suivre ?

Carmen – C’est vrai que sous la dalle il y a un homme d’une gentille incroyable. Trois quart du temps il dort. Alors on dit « c’est la maraude », on essaie de pas trop le réveiller. Et puis il suffit de dire « on a de la soupe ! ». Et là il a un sourire qui… on a l’impression qu’il est un peu tombé de la lune. Mais il nous touche, juste par le sourire qu’il nous donne, par l’échange presque non verbal qu’on a avec lui. On s’attarde un petit peu, on lui donne ce dont il a envie sur le moment et puis on reprend notre route.

Après on a aussi Vassili. C’est un colosse des pays de l’Est. C’est vrai qu’il a la réputation de broyer les mais des bénévoles. Mais c’est sincère. C’est à dire que tu donnes la main, il a pas volonté de faire mal. C’est une poignée de main qui est franche, qui est chaleureuse. On se revoit presque avec grand plaisir, même si on préférerait savoir qu’ils sont à l’abri de manière définitive, évidemment.

 

Cécilia – Peux-tu nous raconter l’anecdote du manteau pour la petite chienne ?

Carmen – Ça a été un peu touchant pour tout le monde, ce monsieur d’origine roumaine, avec sa maman donc, pas toute jeune. Ils sont basés sur la place d’Italie, un peu en retrait, et ils ont cette petite chienne qu’ils aiment par dessus tout. Et ils nous ont demandé un manteau pour chien, ce qu’on a quand-même pas de base nous parce qu’on s’occupe pas des animaux. Et puis lors d’une manifestation au moment de Noel, à la Mairie du 12ème, une autre association était là qui s’appelle Gamelles Pleines. Une belle asso qui s’occupe des chiens des personnes à la rue. Et je me suis dit ben je vais voir. Je les contacte et puis Bingo !

J’ai eu un retour positif avec un jeune homme qui a bien compris mon besoin. Dix jours plus tard on a apporté le manteau pour la petite toutoune et là ça a été des effusions, de larmes de joie… Il m’a dit qu’il allait m’offrir des fleurs

C’était un grand moment parce que finalement on réalise qu’ils sont très attachés à leurs animaux. C’est un ancrage et puis c’est vraiment ce qui les fait rester sur les chemins de l’humanité cette petite chienne. Elle est tout pour eux et inversement. Il nous a expliqué qu’il préfère être dehors plutôt que de s’en séparer donc on se devait de s’occuper d’elle, comme d’eux.

 

Cécilia – De façon personnelle, qu’est-ce que t’apporte cet investissement au sein de l’association ?

Carmen – Déjà ça a apporté un vrai sens. Non pas que j’ai envie de jouer les Zoro, parce que je pense que c’est plutôt eux qui m’ont apporté. Des fois il y en a qui veulent rien, juste parler. Et a écouter leurs paroles, en fait ils remplissent notre cœur plus qu’on empli le leur. Et ils se rendent pas compte je suis sur. Il me disent « ah mais vous partez », et je dis « non mais vous vous rendez pas compte de ce que vous avez à offrir. »

C’est énorme. C’est juste que j’ai envie que les gens fassent l’expérience de ça. Et je le dis vraiment sans fioritures, sans rien. C’est ce qui fait que j’ai pas du tout envie d’arrêter. C’est même pas envisageable. Il faudrait vraiment pour que j’arrête que ce soit sérieux.

 

Cécilia – As-tu un message à faire passer à ton équipe du mardi ?

Carmen – Ce que j’aimerais dire à mon équipe du mardi ben c’est merci d’être fidèle à ce parcours. Merci de me faire confiance. Parce que s’ils me suivent c’est qu’ils me font confiance. Moi aussi je leur fais confiance à cent pour cent. On est rien tout seul quelque part. C’est ce que me montre un peu l’association. C’est que tout seul on est rien, c’est la force du nombre. C’est la confiance qu’on peut avoir les uns en les autres, les uns avec les autres. Et puis ben tous ensemble oui on fait de belles choses. Donc merci.

 

C’est grâce à Benenova, qu’Henri, 20 ans, a rejoint la Balade des Lucioles. Étudiant en philosophie, surveillant dans une école primaire, il trouve encore le temps de venir au moins tous les vendredis marauder.

 

Henri, leader humaniste et philosophe

 

 

Son choix d’aider les sans-abris, n’était pas un hasard. Tout jeune déjà, il préférait être dehors au lieu de rester chez lui, et a appris à connaître le monde de la rue, ses rencontres uniques mais aussi ses dangers. Bravant sa sensibilité, il a découvert les inégalités sociales, constaté l’augmentation du nombre de sans-abris et surtout aidé comme il le pouvait.

Il sait que l’indifférence finit toujours par « tuer « , lit beaucoup de livres sur la condition humaine et c’est avec enthousiasme, régularité et de réelles convictions qu’il est très vite devenu un pilier de l’équipe du 15ème arrondissement.

Au-delà des maraudes, il passe également beaucoup de temps avec les bénéficiaires le week-end, intervient aux réunions inter-maraudes organisées par la mairie et participe aux autres actions organisées par l’association. Grâce à son expérience et son sens du dialogue, il accompagne les nouveaux bénévoles avec passion.

Aujourd’hui un peu plus encadré par l’association, Henri n’a aucun doute sur l’utilité de son engagement mais il souhaiterait faire encore plus et réfléchit d’ailleurs, une fois son cursus terminé, à s’orienter dans l’univers du social et de la solidarité.

Nous avons beaucoup de chance que nos routes se soient croisées, enrichissant ainsi une équipe très
impliquée et soudée.

À l’occasion de chaque newsletter, nous vous présentons l’un·e des membres fidèles de la Balade des Lucioles. Pour la troisième édition, nous avons voulu vous présenter Aurore, luciole depuis maintenant deux ans. 

 

Peux-tu te présenter en quelques mots ?

         Je suis Aurore, j’ai 27 ans et j’habite à Paris dans le 12ème arrondissement. Je travaille actuellement dans l’événementiel. J’ai d’abord été dans la logistique et maintenant je suis en gestion de projet.

 

Quand et comment as-tu connu La Balade des Lucioles ?

         Je connais l’association depuis presque deux ans, j’ai rejoint la balade des lucioles en août 2019 ! C’est vrai qu’on est peu nombreux à être des anciens dans l’association ! Je l’ai découverte sur Facebook, par un groupe Wanted. Je suis alors rentrée très facilement en contact avec Aurélie et j’ai commencé les maraudes dans le 13ème deux semaines après !

J’ai donc commencé à assister aux maraudes par curiosité. J’avais cette envie de faire de l’associatif, et par le passé, j’avais déjà fait un mois d’humanitaire en Inde

 

Pourquoi avoir choisi cette association ?

         Les avantages de cette association, c’est que c’est un peu comme au Mcdo : « Venez comme vous êtes ». Tu viens quand tu veux et peux, tu peux venir les mains vides ou avec plein de choses. Il n’y a presque aucune contrainte par rapport à d’autres grosses associations qui te dégoûte presque du bénévolat quand tu es jeune. Alors qu’à La Balade des Lucioles, tu peux participer dès que tu as du temps à donner. Peu importe tes moyens, ta situation, tu peux aider et ça c’est chouette ! Les bénévoles de la balade des lucioles sont souvent des étudiants ou jeunes adultes. On a souvent les mêmes emplois du temps, des études ou boulots à côté. Donc le grand avantage c’est la flexibilité !

« Il y a un lien vraiment fort entre les bénévoles« 

En plus, il y a un lien vraiment fort entre les bénévoles. Tout le monde est sérieux et bienveillant. Je trouve les petites associations comme la balade des lucioles plus conviviale, chacun est reconnu pour ce qu’il fait, et on organise même des pique-niques entre les bénévoles pour mieux se connaître !

Enfin, je trouve que les actions de la balade des lucioles super intelligentes ! La distribution de biens permet la création de lien social, mais aussi de récupérer les invendus des boulangeries pour éviter le gaspillage.

Quel est ton rôle aujourd’hui dans l’association ? Comment y as-tu gagné en responsabilité ?

         Au départ, je faisais juste des maraudes ponctuellement. Mais l’année dernière, comme c’était calme niveau travail pour moi, j’ai eu l’opportunité de m’engager davantage dans l’association. Je suis passée d’une maraude une à deux fois par mois, à une maraude chaque semaine. Puis petit à petit, j’ai proposé mon aide à Aurélie et ai partagé mes suggestions.

Je me suis alors retrouvée à gérer pas mal de choses sur les maraudes, surtout le mercredi où je fais partie des meneuses dans le 13ème. Au niveau administratif, j’ai créé le drive de l’association. J’ai aussi apporté mon aide sur d’autres documents, ainsi que pour la rédaction de la newsletter. C’est en voyant mon implication qu’Aurélie m’a incluse dans les différents dossiers !

Ça s’est donc mis en place à la fois grâce à ma volonté de m’investir, et grâce à la capacité d’Aurélie à donner à chacun un rôle au sein de l’association. Une fois qu’on est impliqué, tout va assez vite !

Qu’est-ce que ton engagement au sein de La Balade des Lucioles t’a apporté ?

         Ça m’a d’abord encore prouvé que je suis plus faite pour le côté social, que j’aime la proximité avec les gens, échanger, donner de ma personne et de mon temps en étant utile. Et même sur le plan professionnel, ça m’apporte énormément ! Diriger l’organisation des maraudes le mercredi, faire des annonces aux bénévoles, ça m’a permis d’effacer des doutes que j’avais par rapport à mon travail. J’ai beaucoup gagné en confiance en moi !

Mon engagement m’a donc profité autant sur les plans humain, personnel et professionnel !

Nicolas De la balade des lucioles

Chaque mois, nous vous présentons l’un des membre fidèle de la balade des luciole. En cette deuxième édition de la newsletter, il nous a semblé évident d’intérviewer Nicolas qui est présent sur la maraude au départ de Cadet depuis très longtemps maintenant.

*********************************************************************************************************

1.Peux- tu te décrire en quelques mots?

Bonjour à tous, je suis Nicolas j’ai 38 ans et je vis en région parisienne depuis 2012 où je travaille en tant que professeur documentaliste dans un collège de l’Essonne. Je n’ai pas toujours vécu en Ile- de-France, je suis né à Brest, j’ai également vécu à Nantes et dans le Maine-et-Loire (49). Aujourd’hui je vis à Viry-Chatillon.  La vie parisienne me plait assez du fait du nombre de possibilités de sorties à faire. Quand c’était possible, je profitais de mes week ends pour aller voir du monde, faire des expositions, aller dans les parcs. La vie culturelle est vraiment très riche ici.  

2 Depuis quand fais-tu partie de l’association de la balade des lucioles et pourquoi l’as-tu rejointe? 

Fin mars ça fera 3 ans. 

Au début j’étais inscrit sur le site OVS  (On Va Sortir) et je faisais quelques sorties culturelles que le site proposait mais je savais que je voulais participer à une nouvelle action solidaire sans trop identifier  laquelle, qui rejoindrait celle qui me tenait à coeur  depuis mes 20 ans, à savoir donner mon sang régulièrement. A Nantes, j’avais déjà été sensibilisé par la situation générale des sans-abris, mais à Paris, quelque part, j’ai trouvé que la population y était bien plus indifférente et cela me gênait. Je savais que je voulais faire quelque chose. 

Un jour, j’ai vu une annonce pour participer à une maraude et je me suis lancé. A l’époque, les maraudes de Cadet se déroulaient le samedi. J’en ai fait deux d’affilée puis je suis revenu régulièrement depuis. Du fait de mon assiduité, des responsabilités m’ont été confiées au fur et à mesure. En général, je gère le parcours qui passe par les Grands boulevards.  

3.Qu’est-ce que ça t’apporte de faire partie d’une association? 

Sur le plan individuel, ça m’apporte beaucoup. Aucune démarche n’est vraiment  délibérée. Dès le début , j’ai eu le sentiment d’une démarche utile et puis au fur et à mesure, je me suis questionné sur ce que je pouvais faire de plus . L’association en elle-même a son propre rôle mais nous en tant que bénévoles on a un rôle individuel à remplir et je pense que dans l’ensemble, on se complète. 

Moi, ça m’a permis d’améliorer ma vie de tous les jours, de relativiser mes problèmes du quotidien, de me sentir utile et aussi ça m’a permis de prendre conscience de mon rôle de privilégié car en fait personne n’est à l’abri d’une telle situation. Je ne suis pas à l’abri de me retrouver dans la rue un jour et si c’était mon cas, j’aimerais que quelqu’un me tende la main. 

En plus de ça, l’asso fait des actions comme les boîtes de noël récemment , et franchement j’ai adoré l’ambiance. Une vraie bouffée d’oxygène pour les sans-abris!

En plus de cela , cette opération a vraiment marché sur le plan national. Ça fait vraiment du bien. 

4.Quel est ton rapport/attitude vis-à- vis des bénéficiaires?

J’essaie toujours d’écouter les gestes et les mots des bénéficiaires pour mieux les comprendre. C’est bien évidemment les premiers à nous dire ce dont ils ont besoin. Après certains n’expriment pas forcément de besoins, ça dépend. 

Il faut les écouter sans insister en même temps. Il faut analyser la façon dont ils communiquent avec nous. des fois ils disent non, mais au final ce n’est pas forcément un non. il faut apprendre à écouter et être vigilant. Ca s’apprend; s’adapter à chaque personnalité et chaque caractère et gêner le moins possible. 

Par exemple lorsque l’on se positionne devant un homme qui dort et que l’on est dix autour de lui. Ce n’est évidemment pas une position où il pourra se sentir à l’aise car s’il se réveille il va se sentir attaquer. C’est à nous de réfléchir à tout ça et d’être le moins intrusif possible, dans ce cas on dépose un sac le plus discrètement possible et on poursuit la maraude. 

C’est incroyable, des fois, à la fin d’une maraude, je ressens un réel sentiment de satisfaction. Certains bénéficiaires se mettent à notre place et ont de l’empathie pour nous. Ils s’inquiètent pour nous, s’ il pleut par exemple …ils inversent les rôles et nous remercient c’est assez incroyable non? 

5.Chaque association de Paris est assez limitée dans ses actions, est-ce que tu te sens frustré ? 

Au niveau de la communication, je sens qu’il y a eu beaucoup d’évolution ces derniers temps. J’ai même une  ancienne collègue  qui a entendu parler des Lucioles récemment sur une radio nationale. 

J’espère que tous les efforts produits récemment seront entendus et que cela amènera des résultats. Comme par exemple obtenir un local auprès de la mairie du 9ème arrondissement. Car aujourd’hui c’est une vraie priorité. 

Mais aujourd’hui je suis assez satisfait du chemin parcouru par l’association. Le vendredi, depuis quelques mois  on a pu mettre en place un nouveau parcours et depuis le confinement on a beaucoup de nouveaux volontaires. L’idéal serait de mettre en place un nouveau parcours le mercredi comme à place d’Italie si les conditions sont réunies pour le faire.

6.Si tu veux ajouter quelque chose . 

Je souhaite juste préciser que l’ambiance est vraiment sympathique et je ne serai pas là s’il n’y avait pas une bonne entente entre tous les volontaires. Lors d’une maraude, il n’ y a pas de question d’égo, nous sommes tous là pour une même cause et j’apprécie vraiment cet état d’esprit bienveillant et solidaire. 

Nous ne sommes pas là pour nous questionner les uns les autres , chacun a eu son parcours et chacun a ses propres motivations mais ce que je constate c’est que cette cause nous réunit. 

J’ai juste hâte que l’on puisse tous se retrouver, dans quelques semaines j’espère, autour d’un bon resto ou lors d’un pique-nique comme on avait l’habitude de faire, l’ambiance était à chaque fois chaleureuse et ça permettait de renforcer les liens et de discuter aussi avec d’autres bénévoles de l’association que l’on ne rencontre pas autrement.

Tiphaine, bénévole de la maraude du secteur Cadet,  nous fait le plaisir de raconter l’une de ses dernières maraudes en mettant l’accent sur les personnes que nous sommes amenées à rencontrer lors de nos balades.

 

Deux maraudes à mon actif à ce jour et j’en suis déjà ravie.

Ravie, en tant que luciole, d’apporter un peu de lumière, ne serait-ce qu’un court instant, à des hommes et des femmes isolé.e.s – totalement ou partiellement – de la société. 

Emue d’entendre leurs histoires, touchantes et différentes, parfois surprenantes ou quelque peu alambiquées. Pour certaines, je m’y attachais et – au fond de moi – j’essayais de comprendre ce qui ensuite a pu les faire basculer dans un quotidien quasi inhumain. Pour d’autres, l’incohérence des discours accompagnée parfois d’un petit grain de folie ou d’humour sont tels que j’en rigolais presque. Cela m’aide d’ailleurs à prendre un peu de recul pour ne pas rapidement être submergée par mes émotions (hypersensible de nature…).

***

Ma première maraude m’a permis de casser un premier préjugé : il y a peu d’individus alcoolisés et agressifs. Il y a certes quelques exceptions mais il est temps d’arrêter de généraliser. 

J’ai trouvé les sans-abris globalement calmes et avenants. Quelques-uns restaient en retrait, habitués à être isolés ou honteux peut-être. D’autres souhaitaient échanger des banalités ou demandaient notre avis sur les tailles de vêtements par exemple. Et certains sont très bavards et amusants, enchainant les monologues et les blagues. 

Nous rencontrons sur nos itinéraires majoritairement des hommes, âgés en moyenne entre 50 et 70 ans (nous avons peut être tendance à les vieillir mais les conditions dans lesquelles ils vivent accentuent sûrement leurs traits physiques). Sans connaître de données chiffrées et n’étant pas experte dans le domaine de l’employabilité en France, je me demande s’il n’est pas plus difficile pour cette tranche d’âge de rebondir rapidement après une difficulté professionnelle (i.e. : licenciement ou faillite) et éviter ainsi une 

L’immigration est également un fléau, certains sans-abris parlant peu voire pas du tout le français. Un obstacle supplémentaire pour s’intégrer dans la société. 

Il semblerait que certains sans-abris ont un emploi mais dont la rémunération ne leur permet pas de trouver un logement décent. Ils ne peuvent sans doute pas remplir les nombreux critères que les propriétaires et agences immobilières requièrent dans un dossier de candidature. A contrario, certains ont un logement et bénéficient des aides étatiques en vigueur, aides qui sont malheureusement insuffisantes pour se nourrir et se vêtir convenablement.

Quant aux femmes que j’ai rencontrées, elles sont moins nombreuses. Il est rare de les trouver seules et sont souvent accompagnées d’hommes. 

***

Histoires touchantes et amusantes

  1. L’enfant « fracassé » :

Homme d’origine martiniquaise, la 50aine, allongé sous quelques couvertures. Après avoir donné son avis sur la politique de certains présidents (Obama, Macron) – Il fallait se concentrer pour comprendre ce qu’il disait – il a mentionné à plusieurs reprises les maltraitances sur les enfants et répétait le terme « fracassé ». Au fur et à mesure, nous comprenions qu’il avait été « fracassé ». Nous l’avons écouté pendant un bon quart d’heure avant de partir.

Il nous adressait également des « je t’aime » entre deux discours et trois éclats de rire. 

 

  • Le fleuriste sub-urbain

Une rencontre intéressante avec un homme d’origine arabe qui parlait l’italien et le français. « Domicilié » dans le tunnel de Châtelet, j’ai été surprise par sa collection de fleurs superbement entretenues malgré l’absence de lumières. N’étant pas du tout « main verte », j’ai cherché à trouver l’astuce sans oser lui demander.  

C’est un bavard. De la géopolitique (qui, honnêtement, intéressait plutôt les garçons bénévoles) aux créations de cocktails « bien-être » miel-gingembre et épices médicinales, sa blague la plus marquante était la suivante : « si la France est riche, c’est parce que les arabes mangent du pain) – nous lui avions notamment donné une baguette ! ☺

  • L’agressive de Châtelet 

Nous étions prévenus. Ne pas s’approcher d’elle au risque de se faire insulter… Une des bénévoles a voulu tenter l’expérience et s’est dirigé vers elle. Restés éloignés, nous étions tout de même suffisamment proches pour entendre la femme crier : « c’est une heure pour dormir espèce de c****sse ». 

Nous n’avons pas insisté. 

  • Le Papi littéraire

Etant particulièrement sensible face aux sans-abris très âgés, j’ai été touché par celui-ci. Couché sur des cartons sous lesquels des livres étaient dissimulés. Un ouvrage de fiction était ouvert à ses pieds. Je lui ai demandé ses préférences littéraires et lui ai dit que je reviendrai lui donner des livres (le lendemain, j’y suis retourné à l’endroit où nous l’avions rencontré mais il n’y était plus).

  •  L’enseignant berbère-grec

Cet homme m’a également beaucoup émue. Nous l’avons d’abord rencontré sur un trottoir, en plein air avant de le retrouver à son « domicile » dans un des tunnels de Châtelet…rempli de rats (j’essayais de penser à Ratatouille). 

Hassan, originaire de Marrakech, il a vécu pendant 25 ans en Grèce. Son fils, Dionysos, habiterait là bas. Diplômé d’un bac scientifique et ancien enseignant (a priori), nous avons eu le droit à un cours particulier de grec passionnant sur les bases grecques : 

– métropole : metro = maître/ polis = ville, cité => ville-maître, ville maitresse ; 

– terme + phile : phile = ami => cinéphile : celui qui aime le cinéma ; bibliophile = celui qui aime les livres ; 

– terme + logue : logue : langue => psychologue = langage de la psyché ; podologue : podos = pied => langage des pieds, etc ; 

– mélissa = abeille ; 

– démocratie : démos = peuple/ kratos = pouvoir, puissance => la puissance du peuple ; 

 

 

 

En conclusion, cette activité solidaire que je prends très à cœur est une véritable expérience, très enrichissante pour moi et constructive humainement. 

Je pense que, le plus important pour eux, c’est de les considérer tout simplement comme des êtres humains, se mettre à leur hauteur pour échanger, les écouter et ne pas avoir pitié d’eux. Restons authentiques !  

Texte de Tiphaine L